Noah ouvrit les yeux sur le disque solaire dominant cette matinée d’avril. Le temps n’avait plus aucun sens.
Allongé, les jambes serrées et les bras écartés, comme crucifié de ne pas comprendre ce qui lui arrivait, Noah resta longtemps immobile.
Jamais il ne serait venu de sa propre volonté dans le zoo du Bronx. Jamais il se serait réveillé en pleine nature, ses cheveux trempés de sueur, ses membres endoloris si le destin ne l’avait porté, ne l’avait rattrapé. Car Noah sentait en lui un changement. D’abord une sensation imperceptible, une sorte d’instinct animal, un goût primitif dans la bouche, un parfum de liberté bestiale dans les narines.
Le jeune étudiant finit par s’asseoir, la paume de ses mains posée à même le sol herbeux, les jambes étendues, ses sens en éveil. A l’écoute des sons, à l’affut des odeurs, observant, pupilles dilatées, le parc et le bois.
*Comment suis-je arrivé ici, moi ?*
Telles étaient ses pensées en essayant, en vain, de se souvenir des dernières heures passées.
Il sentait son cœur battre la chamade, le flux sanguin coulant comme un courant tumultueux. Un loup hurla dans la nuit silencieuse. Un appel était son cri…
Noah s’accroupit avec agilité, le nez en l’air, ses pieds plantés en terre, ses avant-bras tendus à l’extrème. Il reconnut le langage de l’animal et ne comprit pas pourquoi.
*Que m’arrive-t-il ? Que s’est-il passé ? Pourquoi ce loup me demande de venir à lui ? Non ! Je ne veux pas ! Je ne peux pas !*
Noah avait peur. La peur de l’inconnu. Une chose hallucinante s’était produite, il ne se rappelait de rien. Son esprit, son corps décuplaient des sortes de pouvoirs, des aspects étranges en relation avec la faune du zoo.
Se tenant la tête à deux mains, pressant fortement ses tempes, maintenant debout, chemise ouverte, regard puissant, mâchoire serrée, poings fermés, il hurla sa détresse.
" NON !!!! Laisse-moi !!!! Laisse-moi !!!!".
Noah marcha en titubant sur le chemin pavé. Il errait comme une âme en peine, avec le désespoir d’un jeune homme perdu. Tant de questions se bousculaient, s’entrechoquaient comme un tourbillon maléfique emportant la vie sur son passage. Il devait reprendre ses esprits, comprendre ce qui s’était passé, connaitre sa destinée, apprendre à s’apprivoiser…
Les portes du zoo venaient de s'ouvrir et un flot continu de visiteurs noyèrent Noah dans un bain de foule qu'il aurait voulu éviter. Le brouhaha finit par avoir un effet positif sur le jeune étudiant de dernière année. Il occulta momentanément de sa mémoire ce qu'il venait de vivre depuis son réveil et prit la direction de la sortie. Noah avait besoin d'une douche et de par delà retrouver ses repères...